Une lettre à Michel Onfray
Bon, déjà on va pas couper les cheveux en quatre. Je vais te dire « tu ». C’est plus simple pour moi. Cependant ce tutoiement n’est pas celui de la familiarité (qui engendre le mépris) il est d’une autre nature. Nous avons le même âge, à quelques mois prés et cela évite les ronds de jambes du genre du respect dû aux anciens. Mais là non plus n’est pas l’essentiel. Cet essentiel est difficile à expliquer. Prévert écrivait
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas.
Ne va pas en déduire que je t’aime. Je fais une extension à ce que dit le poète. Je dis « tu » à tous ceux que j’aime mais aussi à ceux que je déteste. Le vouvoiement, je l’utilise en règle générale pour m’adresser à ceux qui m’indiffèrent. A coup sur tu ne fais pas parti de cette caste. Te voilà rassuré non ? Et puis non d’un petit bonhomme tu t’annonces post anarchiste alors on va pas se faire suer avec les mondanités. Et puis enfin je vis dans un pays Arabe, langue dans laquelle le vous n’existe tout simplement pas. Je trouve ça pas mal. Et donc nous sommes, ou du moins « JE » suis dans ce tutoiement biblique, ça je crois que ça va te plaire, par lequel Jésus s’adressait à Pilate et par lequel je suis bien certain que Socrate s’adressait à ses disciples. Et enfin si ce « tu » ne te plaît pas et que tu viennes à lire ces lignes alors, tu sais quoi ? Et bien comme je le dis à mes autres potentiels lecteurs dans les autres pages de ce blog, utilise la petite croix en haut de ton écran et ferme tout simplement cette fenêtre, ni toi ni moi ne nous en porterons plus mal.
Ceci étant posé, je ne suis bien entendu pas venu t’expliquer que j’avais juste envie de te dire « tu ». Ce serait quand même un peu léger. Prendre le risque devant tout le monde, d’écrire à un type comme toi, c’est quand même prendre un bien gros risque : Celui de passer pour un con. Mais bon, je l’assume et puis ça me fait plaisir à moi. Alors pourquoi m’en priver et puis le risque d’être lu n’est pas bien grand. Alors allons-y.
Voilà des années que je t’écoute et que je goute avec une gourmandise sans mélange ce que je peux trouver de toi sur le net. Je n’ai jamais acheté tes bouquins car là ou j’habite c’est pas bien possible et qu’avant, quand j’étais en France, ce n’était pas dans mes priorités. Je t’ai découvert par tes émissions sur France culture. Je les écoutais dans ma voiture en rentrant le Vendredi soir alors que je travaillais un peu loin de ma famille. Ca faisait bien passer le temps. C’était brillant, amusant parfois, et parfois cynique, mais toujours merveilleusement intelligent. Je crois sincèrement qu’il est salutaire que des types comme toi fassent des émissions comme ça. On est d’accord ou pas avec tes énoncés mais au moins ca rends intelligent. Ca me rappelait un vieux bouquin que j’avais adoré, écrit pas des types remarquables et brillants, « La prédominance du crétin ».
Mais comprenons nous bien. Je ne t’assimile pas du tout aux crétins visés par ce bouquin .C’est ce que je crois avoir compris de ta façon de penser et de l’exprimer qui vous rapproche, toi et les auteurs du livre.
Plus haut je te disais que je dis « tu » à ce que j’aime ou déteste. Toi tu as une particularité. Jaime te détester où je déteste t’aimer, c’est selon. Examinons un peu cela.
Faut reconnaitre t’es une pointure, une épée, un cador… et ça j’adore. Tu parles bien tu es clair et concis. Ce sont autant de qualités qui forcent le respect. En plus t’as une belle gueule. Bon, faut reconnaître qu’en tant que mec je suis assez peu qualifié pour dire ça. Mais, force est de constater, quand on te voit sur un plateau télé, ca jette. Pas le genre Apollon de foire, mais le genre que, quand on l’a en face, on sent, par les attitudes, le regard que là…. Il ya quelqu’un.
J’ai bien aimé ton débat avec Finkielkraut
Sur le fond c’est intelligent, pour autant que je puisse en juger, mais sur la forme : l’opposition des styles est fascinante. La puissance contre la légèreté, le cobra et la mangouste. A toi de voir qui est cobra et qui est mangouste.
J’adore que ceux avec qui je ne suis pas d’accord soient intelligents. C’est de loin la situation la plus confortable quoi que l’on puisse en penser. En effet, dans une honnête opposition, l’intelligence de l’autre (dans les deux acceptions de ce terme) t’oblige à interroger la tienne. La qualité du raisonnement de l’un conduit nécessairement l’autre à aiguiser le sien. Ca c’est good!! En plus tu parles clair et net. Pas comme d’autres dont tu ne comprends même pas les mots qu’ils utilisent. Quand t’as fini d’éplucher ton dictionnaire le mec à terminé son exposé et tu sais même pas de quoi il voulait finalement parler. Au moins avec toi on sait de quoi tu parles et ton discours est aisé à comprendre. Donc une fois évités les écueils de l’incompréhension, il est facile de se dire d’accord pas d’accord. Bien sur nous éviterons le sophisme pour lequel la beauté du discours prévaut sur son contenu.
L’intelligence de l’adversaire a un autre intérêt, et pas des moindres. Si tu as raison tu gagnes et donc la communauté y gagne. Si tu as tort, alors tu perds et tu passe pour une truffe mais comme ton opposant à raison la communauté y gagne aussi. S’opposer à un type intelligent est donc rassurant si ton seul but est de faire avancer le schmilblick. J’aimerai que ce raisonnement, qui devrait me valoir un prix Nobel, s’applique en politique.
Bon ces courtoisies étant faites voyons un peu les forces en présence.
Toi d’abord. Tu es mon invité sur cette page: Mec célèbre et même tellement célèbre qu’on t’a même vu à la télé !!! Whaooo. Tu dois bien avoir une douzaine de doctorats en philo en socio en psycho et en un tas d’autres choses savantes que j’ignore. Tu prônes un athéisme militant, tu te réclames du Post anarchisme (c’est quoi ce truc), tu revendiques un hédonisme absolu. Mais histoire de garder tout de même une ceinture de sécurité tu fais tienne la formule « un plaisir est mauvais s'il est suivi d'un déplaisir plus important, ou d'un trouble ». Ca c’est fait. Tes philosophes de référence sont Nietzsche, La Mettrie, Aristippe de Cyrène. C’est pas moi qui le dit c’est Wikipedia.
Moi. Même âge que toi bien que plus jeune de 6 mois, ingénieur pur jus, foncièrement croyant mais excommunié. De toute façon tu as flingué Dieu alors c'est pas grave, moraliste ou moralisateur à mes heures donc vachement réac selon tes critères. Férocement démocrate et républicain. Libéral sur le plan économique. Mais pas de ce libéralisme là. T’as qu’à lire mes autres articles. Comme toi je suis très célèbre, mais dans mon immeuble seulement et particulièrement à mon palier. Mes philosophes de prédilection sont Kant (mais je crois que j’ai pas tout compris), Pascal et Montesquieu (parce qu’on m’expliqué en 3em) Brel, Brassens, Frédéric dard, que je lis dans le texte, et surtout Audiard. J’envisage d’ailleurs, quand j’aurais le temps, de présenter une thèse ou je me livrerais à une exégèse de cette mâle sentence du grand penseur sus nommé « Les cons ça ose tout, d’ailleurs c’est à ça qu’on les reconnait » Tu veux pas être mon directeur de thèse?
Bon je crois que les présentations sont faites.
Je comprends que tu sois un peu impressionné, c’est normal. Un mec comme moi qui lit San Antonio dans le texte çà jette au début. Je ne fais en cela qu'appliquer tes recommandations. Il faut lire les auteurs et non les commenaires qui en sont fait. Dont actes. Mais tu vas voir. Détends toi, je vais aller doucement et utiliser des mots simples que tu vas comprendre.
Tu vois, la différence entre toi et moi c’est l’espace du rêve.
Toi tu es matérialiste et athée. Pas moi.
Tu es sans doute existentialiste et donc fétichiste de Sartre. Pas moi.
Toi tu es à l’image de cette fameuse génération « X » libérée de tout et finalement sans autre repère que cette espèce d’immédiateté du plaisir qui rends dingue et captif de la moindre sollicitation par la perte de l’esprit critique. Pas moi.
Ce que tu appelles hédonisme je l’appelle libertinage. Certes, l'hédonisme n'est pas que ça mais pour nombre de ceux qui 'écoutent ou te lisent c'est surtout cela. Du moins je le suppose. Je ne pratique pas mais surement que c’est délicieux car se situant dans la transgression. Point de transgression dans ton monde car pas de morale autre que celle de l’utilité. Pour sur, je conçois un grand plaisir, au moins potentiel dans la transgression. Mais comme tu as flingué Sigmund je ne sais plus expliquer pourquoi.
J’aime assez à penser que je suis fils de Kant et de Freud, comme l’écrivait Dany-Robert Dufour dans son lumineux bouquin : L’art de réduire les têtes, si tu l’as pas achète le.
La raison et la névrose !
Je suis heureux car je sais que je transgresse et ce désir de transgression me pousse au dépassement de moi-même. Mais je suppose que toi et lui vous vous connaissez. Alors si tu le croises serre lui en cinq de ma part et demande lui de te dédicacer son livre.
Mon monde et celui de l’idée fixe pour la quelle on va jusqu’à mourir. Le tiens est celui de la schizophrénie ou l’on bascule d’une mode à l’autre guidé par son seul plaisir ou du moins l’idée que la "com", le "buz" et la pub te disent être ton plaisir. En fait, à ton insu, tu es le pourvoyeur de Mougeotte: Le vendeur d'espace cérébrale.
Tu es emblématique de cette génération FREE. Tout est gratuit et illimité. Elle est pas belle la vie ?
Tiens
Paye ton forfait illimité qui n’a d’illimité que le prélèvement de ta banque
Achète ta Free box et paye tes contenus
Va faire du FreeRide et mourir sous une avalanche en tuant quelques autres skieurs avec toi au nom de ta liberté individuelle d’être un rebelle. Ca lui fait une belle jambe à la nature que tu sois un rebelle.
Ils me plaisent ces débiles en collant fluo qui font du Free Climbing en se coltinant à mains nues les falaises des gorges du Verdon. Il n’y a pas de rebelles contre les lois de la gravité il n’y a que stupidité et vanité. Remarque avec une bonne dose de stoicisme on doit pouvoir résister à la douleur d'une fracture. Encore s’ils s’écrasent au sol dans le plus grand anonymat c’est leur problème. Mais quand ils prennent valeur d’exemple pour toute une génération ça m’énerve. De la même façon, l’encornage d’un torero par le bestiau qu’il prétend assassiner ne me fait pas pleurer et le mythe de la noble mort du toro dans le combat me semble mortifère.
Ta liberté libertaire est mortifère en cela qu’elle repousse au rang de ringardise ce qui était prudence, au rang de couardise ce qui était précaution et finalement au rang d’utopie le vrai courage qui n’est pas cette inconscience affichée du danger qu’il est de bon ton d’exhiber de nos jours. Je crois que je passerais pour une burne si je retournais un jour sur les parois avec mes cordes mes mousquetons mon baudrier et mes semelles armées. Notre école de la montagne était une école de rigueur et de technique. Ca n’excluait nullement la pureté du geste, l'esthétique dans le mouvement et une certaine forme d'ascese montagnarde. Bref nous étions à 1000 lieux de la foire du trône qui s'organise le dimanche dans nos falaises avec musique techno à gogo. Merde ca fait peur aux corneilles et aux dahuts. Et tout ce bordel: c'est bien entendu de ta faute.
Nous sommes très exactement dans ce passage de Montesquieu que je cite dans un autre article:
« Quand Sylla voulut rendre à Rome la liberté, elle ne put plus la recevoir; elle n'avait plus qu'un faible reste de vertu, et, comme elle en eut toujours moins, au lieu de se réveiller après César, Tibère, Caïus, Claude, Néron, Domitien, elle fut toujours plus esclave; tous les coups portèrent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie.
Les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient d'autre force qui pût les soutenir que celle de la vertu. Ceux d'aujourd'hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses et de luxe même.
Lorsque cette vertu cesse, l'ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir, et l'avarice entre dans tous. Les désirs changent d'objets: ce qu'on aimait, on ne l'aime plus; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. Chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître; ce qui était maxime, on l'appelle rigueur; ce qui était règle, on l'appelle gêne; ce qui y était attention, on l'appelle crainte. C'est la frugalité qui y est l'avarice, et non pas le désir d'avoir. Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public; mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers. La république est une dépouille; et sa force n'est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous.
Revenons à ce que plus haut j’appelais « l’espace du rêve ». Je vais faire, sans doute hurler le Nietzschéen que tu es.
Bien que de formation scientifique et rigoureuse je crois dans un autre monde et dans la dimension divine de la création (NB: ACHTUNG!! je ne suis pas créationniste) en cela que je crois dans une intention de départ. J’ai longtemps fais mien le principe anthropique d’un Stephen Hawking qui permet d’expliquer la constitution très improbable de l’univers tout en faisant l’économie d’un créateur. Cependant, le principe de parcimonie cher aux scientifiques me permet d’envisager cette autre hypothèse. Celle là même dont Leibnitz disait à Napoléon qu’il n’en avait pas besoin pour expliquer l’univers. L’idée d’un démiurge. Et tant qu’à faire rendons le bienveillant. Certes, cette idée est très inconfortable car elle pose en avalanche les questions suivantes, celles de la morale, de la nature du bien et du mal etc.
Bien sur toute idée de divinité traîne avec elle le spectre hideux de la soumission à cette même idée et les religions qui ont toutes instrumentalisé ce concept sont coupables, coupables coupables!
La relation à Dieu ne peut s’entendre que dans la liberté. Ce n’est pas un hasard si Dieu n’a jamais été vu par personne. Pour toi c’est preuve d’absence. Pour moi c’est une preuve sinéquanone que s’il existe alors il est bien ce que je crois qu’il est. Car un Dieu qui se montrerait à moi ne serait plus un Dieu de liberté et mon lien avec lui serait de contingence et non plus d’amour. De plus s’il se laissait percevoir alors cela signifierait qu’il est de même nature que moi et comme je ne suis pas Dieu, il ne le serait pas non plus.
Non d’un p’tit bonhomme. Un soir de cuite j’avais découvert un raisonnement implacable démontrant l’existence de Dieu. Il se terminait par « Et donc : la seule preuve de l’existence de Dieu c’est qu’il n’ya pas de preuve ». Mais la gueule de bois qui s’en est suivi a du effacer le disque dur de mon cerveau et je n’ai jamais retrouvé le raisonnement. Je suis certain que même toi t’aurais été scotché……
Et donc. Cette conception de l’univers ou du moins de son origine me donne la possibilité de me projeter dans d’autres visions que celle de ton utilitarisme pur et dur. De me dire qu’une morale existe et qu’elle est universelle car dictée par un Dieu bon de l’humanité. Je ne suis donc plus dans un relativisme désespérant. Et quand je parle d’égalité, celle-ci est d’ordre divin et désigne le black et le blanc de la même façon, ce n’est pas d’égalitarisme que je parle : démarche forcée, théorique et un peu engoncée.
Comme en mathématique et en physique, nous sommes obligés de faire un détour par les nombres imaginaires qui n’ont pas grands chose à voir avec ce que nous percevons du réel, ma philosophie fait un détour par le divin. Mon monde est empreint d’un idéalisme espérant et combattant. Son combat est celui d’une humanité qui ne se réduit pas à ses phénomènes chimiques. Je crois qu’on peut mourir d’amour, pas de bander.
Bon voilà. J’ai vidé mon sac. Je sais que maintenant tu es KO. Il te faudra plusieurs semaines pour te rétablir et j’en suis désolé, mais il fallait que quelqu'un te le dise espèce de galopin.
Maintenant sans rire. Je ne sais même pas si un jour tu liras ces lignes. Mais si tel est le cas alors j’espère qu’elles t’auront au moins amusé. Je me doute bien que mon charabia ne présente que peu d’intérêt pour toi et que ce que je viens de dire, tu y as déjà pensé mille fois et que tu as les réponses à tout. ce son TES réponses et elles n'engagent que toi. Mais cela n’a aucune importance au fond, on ne convainc jamais personne. Ce que j'écris ici, c’est MA vérité et j’ai depuis longtemps fais le deuil le LA Vérité. C’est surtout à moi que je parlais. Tu sais ici on est très seul. Mais dans mon monde, dans ma façon de penser, le fait que des gens comme toi existent c’est très rassurant et c’est bon pour le monde. Et même si je ne suis définitivement pas d’accord avec toi merci d’exister.
NB : je passerai une autre fois corriger mes fautes d’orthographe.
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