Crier Pleurer Penser un monde meilleur

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Les yeux violets

Le 26/04/2013

 

Le yeux violets

 

J’avais quoi ? 17 ans 18 peut-être. Mon pote des montagnes et moi on rentrait de vacances en Corse. Lui partait chez les paras et moi passer mon Bac dans le meilleur des cas.

Plus un rond en poche. En gare de Marseille il nous restait juste le prix du billet pour le train de nuit pour rentrer at home. Habillés comme c’était notre habitude, comme de vrais clodos. Lui la chemise à carreau sortant du pantalon déchiré. Moi torse poil sous une veste de treillis. Il nous restait à partager une boîte de maquereau au vin blanc. Et bien entendu pas d’ouvre boîte.  Comme une truffe j’ouvre ça avec mon couteau, trop faim, et j’en renverse la moitié sur mon jean. Tu parles d’une odeur.

 

Nous voilà dans le train. Tu sais ces trains qui mettaient 6h pour faire un voyage que j’ai fait en 35mn en TGV la dernière fois. On appelait ça un omnibus. Ca s’arrêtait dans toutes les gares. Y compris celles que tu soupçonnais même pas qu’il pouvaient exister un patelin dans cette nuit épaisse et dans ce trou du monde.

 

En pleine nuit je vais dans le couloir en griller une, on pouvait fumer dans les trains en ces temps d’avant le déluge.

 

Appuyé sur la barre de la fenêtre à moitié ouverte, tu parles à 50 à l’heure…., je rêvassai, les yeux dans le vide. Et puis voila qu’en jetant un œil (pas trop fort) sur ma gauche j’ai vu un ange.

 

Si si !! je te jure, croix de bois Gaston Deferre. J’ai vu un ange et en plus cet ange me regardait aussi.

 

Elle était vachement plus jeune que moi, d’approximativement 2mois, 23 jours 3h et 27minutes. Tu parles, une gamine quoi ?

Elle était vachement plus belle que moi. Mais elle me regardait et je la regardais.

 

Nous n’avons pas franchi les trois mètres qui nous séparaient.

 

Des longs cheveux bruns bouclés façon mouton, l’ovale de visage, que la Joconde avec son sourire niais à côté c’est un vrai thon.

Et puis des yeux, des yeux,…………………des yeux.

 

Tu me diras : qu’est ce que j’en sais ? A trois mètres, de nuit, dans un train qui bouge dans tous les sens ? Ben je te dirai que toi t’étais pas là, que moi j’y étais, et que ses yeux je les ai vu comme si j’étais à 10cm d’elle.  Et que ces yeux ils me regardaient avec une immense douceur, moi crados, paumé et fatigué.

 

Elle m’a souri tout doucement et elle est rentrée dans son compartiment.

J’ai souri bêtement pendant les cinq heures qui ont suivi. Mon pote des montagnes a cru que j’avais fumé la moquette. C’était un peu ça comme effet. Tu sais quand une porte s’ouvre dans le réel et que tu vas ailleurs. Un ailleurs qui n’a pas de nom.

 

Tu vois j’ai passé le demi siècle mais elle, elle est toujours dans ce couloir de train à me sourire du haut de ses 16 à 17 ans.

 

J’y pense parfois

J’y pense souvent

Et ça c'est bien cool.

 

Pour elle



26/04/2013
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